dimanche 29 juin 2008

The Everly Brothers - Roots (1968)



Je modère mon ardeur, mon élan, il faut savoir modérer son élan. Je m'immobilise au centre de moi-même, aux bornes du monde. Je laisse la communication, ses oripeaux. Je reste droit dans l’imaginaire comme dans mes bottes. Seul dans cette position délicate, je considère la table basse ; la pile de disques qui m’attend sur la table basse est le grain de radium caché qui cause ces troubles et ces surprises, cette altération de la réalité que j’ai sous les yeux. Il faut, cependant et malgré cela, rester stoïque, mimer la lucidité, ne pas tourner autour du disque pendant que celui-ci tourne et aborder doctement les rivages du factuel. Abordons, abordons !

Voilà l’un des plus beaux albums de la country-rock naissante. On y voit, les Everly Brothers à la différence de presque tous leurs voisins de paliers rescapés des fifties se tenir au courant des choses qui les entourent ; la « country » donc, le simple coup de plumet country sur une somme de rock tassé et presque aggloméré. Un peu à la façon de leur premier LP de 1958 Songs Our Daddy Taught Us, l’idée était, ici et à nouveau, de reprendre quelques auteurs de chansons ayant eu une influence sur le duo qui nous concerne. On retrouvera, Jimmie Rodgers, Merle Haggard quelques standards très bien choisis et superbement étendus, et, pour faire bonne mesure , un couple de chansons offert par Ron Elliott des délicats Beau Brummels. Même s’il n’a pas la force légère des premiers enregistrements des frères Everly , c’est un album magnifique, les voix sont superbes, moins innocentes avec l’expérience qui passe dedans….

dimanche 22 juin 2008

Psychogéographie Indoor (7)



L’air hagard, un peu froissé, je me suis réveillé ce matin avec une appétence visqueuse et presque têtue, avec même, chose incongrue, une envie incompréhensible, de ne pas arpenter ma bibliothèque ! Il faut dire que la saison est enfin là, que la force de Coriolis respecte enfin les consignes et qu’une chaleur grasse et musquée passe par les fenêtres. Cette vigueur pleine d’inertie qu’est l’illustre force susnommée plus haut remuant orthogonalement à la direction de toute chair, cette chair bourlinguant dans un milieu (un jalon) lui-même en circonvolution glabre, tel que vu par un quidam partageant le même jalon, je me suis donc décidé à psychogéographer outdoor plus qu’à mon tour. Chacun sait que la force de Coriolis circule toujours autour d’un creux, profitons-en me dis-je, quittons le lointain intérieur, l’espace du dedans, cherchons une clé pour l’horizon ! L’embarras, car il y a embarras, est que la force de Coriolis à la déplaisante habitude de dévier vers l'ouest tout quidam lancé verticalement vers le ciel, et que sournoisement elle dévie vers l'est tout quidam qui choit. Intuitivement, on s’imagine sans peine alors que les deux déviations sont opposées et s'annulent, ce qui fait que le quidam retombe exactement à son point de départ. On parle alors de Boulet de Mersenne, un vieux problème de mécanique newtonienne. C'est ainsi, il faut bien s'en convaincre : la gravité est toujours par-là céans, même quand il fait beau et que s’éternise un parfum de velours… Voilà pourquoi après avoir senti la courbure de la terre, la mine songeuse cette fois ci, ombre d’un ombre qui s’était enlisée dans le soleil et le musque, je me suis décidé à retourner psychogéographer en intérieur avant que de me retrouver le nez, comme la pomme, dans le gazon. Bientôt revenu à ma base et encore épais d’une chaleur prégnante, je n’ai cependant pas vraiment retrouvé les livres illico, je me suis autorisé à les regarder et à regarder ce qui dans ma bibliothèque les effleure, les caresse voir même parfois les chatouille. Toutes ces choses qui accompagnent les livres sans vraiment leur faire une concurrence qui ne saurait de toutes les façons être crédible et à leur niveau. Des photos, des bibelots, des souvenirs, cet accompagnement qui se veut le moins fade possible mais qui, parfois, sombre dans la morne futilité des colifichets palimpsestes…



Des photos, des bibelots, des souvenirs…. Un Bouddha au bedon proéminent en bois rigolard, un livre de photographies florilège de l’agence Black Star, ouvrage lourd et massif posé verticalement, debout et en déco, soixante ans de journalisme et de photographies dedans, sur la couverture un JF Kennedy assis, raide avec son mal de dos. Devant tout ça, touchant la bedaine de notre réjoui Bouddha évoqué plus haut, il y a un petit livre rouge acheté un jour de soleil tapageur sur la place Tien An Men. Frôlant les pensées du président Mao un couple de Maracas, souvenir encore humide de La Havane. La Havane son front de mer corrodé, ses havanaises irriguées et cambrées, terriblement irriguées et cambrées… Refroidissons, refroidissons... Tenez plus loin il y a un petit éléphant rajasthanais en ivoire, un micro-chevalet en stuc portant un petit tableau tout autant en stuc avec le Le Golden Gate Bridge peint et posé dessus ; souvenir de San Francisco, sombre mystère, vertige, je ne connais pas San Francisco, mais je sais nager… Continuons, continuons ! Un casque vert et indubitablement Vietnamien, un coquillage, plus lactescent que nacré, extrait de la mer des caraïbes. Quatre pierres de laves ramassées sur les pentes de l’Etna, un caillou anthracite de Carélie. - Soit dit en passant la carélienne est très belle ; une peau pâle, des yeux d'eau plus que bleus et des cheveux d’or -. Mais voilà bientot Frank Sinatra, en studio, la main sur le cœur… Gene Tierney fugueuse loin de Shanghai Gesture, Gene Tierney déroulé sur le canapé de Laura, Gene Tierney, Gene Tierney ….. John Coltrane et Rainer Maria Rilke. Marilyn attisant sa bouche de métro, l’illustre scène vue de biais. Deux mugs Campbell Soup raffinés par Warhol. Une petite boite en cèdre de Chine, quatre euros et cinq centimes dedans. Un petit totem à cinq dollars quatre vingt dix neuf cents canadiens. Une carte postale allongée dupliquant calmement l’impeccable Nighthawks de l’impeccable Edward Hopper le tout dispensé par la grâce d’une ex-hypothétique amoureuse. Deux cigares cubains de contrebande conservés dans deux tubes à essais en pyrex. Le souvenir de deux charmantes cubaines à l’abri d’un cadre jaune vif. Une Mercedes Benz 300 SL (1954) à l’échelle 1/24 achetée sur l’autoroute entre Milan et Turin. Et puisqu’il faut toujours en revenir à ça ; trois livres en pleine tentative d’évasion. « La Poétique de la rêverie », « Le parti pris des choses », « L’espace du dedans ». Bachelard, Ponge et Michaux, des évadés, des amis… .



Ah ! J’oublie, cessant d’arpenter ma bibliothèque d’un orbe rapide mais néanmoins flapi, mon regard c’est prudemment posé sur la table basse où l’évadé, déjà fugitif, Jacques Casanova De Seingalt et ses mémoires sont moelleusement déployés depuis quelques jours. Des souvenirs enlacés et véloces, toujours très véloces, secs et moins graisseux-baroque que chez le zélateur des rainettes gluantes Fellini. Toutes les histoires ne notre ami vénitien, agissent perpendiculairement et sans retomber nul part, c’est pourquoi il y a beaucoup de plaisir à prendre à leur lecture. On retrouvera le castrat au clitoris colossal, les bords de Corfou, Mantoue la putride, Rimini : « Maussade comme un attentat mal réussi » (là je cite André Suares). Casanova secoue ce que tout romancier cherche à ébranler : faire de sa vie un roman. Alors que les autres imaginent les vies qu’ils n’ont pas eues, lui, peut affirmer en frémissant : « ma vie est ma matière, ma matière est ma vie » drole de matière, drôle de vie. Evidemment, il y a beaucoup de fantaisie, de broderie autour de tout ça (on mélange, les dates, les lieux, les sexes…) La vie est un roman mais plus qu’ autofictif : autour de la matière. Et bien voyez-vous que pour finir, voilà c’est cela, Casanova a bien raison de ne pas hésiter à tourner autour de la matière, elle est toujours tangible, comme la météo, la matière. Il nous reste à frémir.

lundi 16 juin 2008

Ian Gomm - Summer Holiday (1978)



Ian Gomm ne paye pas de mine, il ne ressemble formellement pas à grand chose. Un rouquin même pas cynique, auburn non dépravé, homme acajou et presque plaisant. Quand Ian Gomm tousse le monde ne titube pas, c’est un être discret, straight et bien peigné, qui a dû roussir encore un peu plus le jour de 1971 où le New Musical Express l’a élu : « Best Rhythm Guitarist of The Year ». Vous avouerez que tout cela pose son homme… et son guitariste rythmique. Dans ce moment pourtant très dépeigné là, 1971 donc, Gomm était première guitare sportive chez les séminaux Brinsley Schwarz ; il y pirouettait autour de Nick Lowe et comme chacun connaît comme sa poche percée ce maître-cylindre Pub-Rock qu’était Brinsley Schwarz, je ne referais donc pas l’histoire...

L’album qui nous concerne Summer Holiday vient, lui, plus tard, en 1978. Au dos de la pochette, on peut voir la famille Gomm en plein air et en mise heureuse et estivale, les seventies finissantes il y avait encore des saisons, saloperie de force de Coriolis ! La musique de Summer Holiday est comme son dos de pochette, estivale ; le doux rayonnement d’un soleil gallois... Pas encore hâlée, loin du mordoré, une succession de pop song suaves et sans aspartame comme chez les early fab four (Dirty Lies, Airplane, You Can't Do That…) des rocks pas compliqués à écouter sur la route, le coude au soleil (That's The Way I Rock'n Roll) une belle cover de Chuck Berry (Come On) du Bo Didley (RIP) avec les moyens du bord (Images). Comme il faut toujours des ballades, il y a donc une ballade contente d’elle-même comme du Randy Newman sans piano (Another Year) et pour finir avec de l’impeccable : Hold On, genre d'espece de sorte de sommet accidentel en plein millieu de la route. Avec cette chanson Ian Gomm aurait pu finir tel le vulgum One Hit Wonder de base : le nez dans le vertugadin ; il n’en sera rien… Vous pouvez écouter ce disque, c’est avec les deux, trois très bons de Nick Lowe, l’un des meilleurs fruits à être sortie de la corbeille Brinsley Schwarz. Pas de pommes, pas de poires, elles ne sont pas de saisons. Encore moins de scoubidou, une belle griotte alors ?


Ps : S’il y a des teintes communes nous frôlons le monde pub-rock plus que la sphère power-pop. Toutefois je ne vais pas vous infliger une rubrique pub-rock guinness darlings.

dimanche 15 juin 2008

Chambre Verte - ( Pete De Freitas )



A cette même date en 1989, Pete de Freitas, estampeur de peau en chef chez les hommes lapins, trépassa d’une cabriole motocycliste non désirée. Triste écho, drôle de réverbération.

dimanche 8 juin 2008

Solitude de l'audionaute de fond (1)



Le temps n’est pas de saison, la saison n’y est pas. L’ours regagne ses pénates. L’homme, lui précautionneux, tourne le dos de la main gauche vers le ciel, l’humidité y est, il n’y a plus de saison. La seconde main, il n’y a pas de troisième, la main droite donc, sous le menton, l’homme songe. Juin est pourtant réputé pour ses fins d’après-midi languissants. L’homme aura donc beaucoup de mélancolie, de mal à se convaincre qu’il va falloir rester en intérieur et à sec. La psychographie indoor à ses limites et l’homme n’est pas le premier plantigrade venu. Néanmoins, raison faite, s’il n’y a aucune goutte de lumière dans les rideaux, il est envisageable d’en distinguer quelques-unes, autre part, dans les disques par exemple. C’est donc pourquoi l’homme, un peu plus tard, tournera autour de quelques galettes en espérant que l’anticyclone, tourne-lui dans le bon sens ; la force de Coriolis à ses chagrins que l’homme ignore. L’homme, d’homme générique qu’il était, deviendra de facto audionaute de fond. Il oubliera alors l'humidité hors de saison, les plantigrades et l’homme générique, l’audionaute bafouillera. Nous l’écouterons bafouiller :

Le nouveau Portishead, Third (2008) est assez beau, assez monocorde et pour tout dire assez emmerdant. Beth Gibbons à toujours cette voix belle comme un symptôme de chagrin, je ne marche plus, trop de tripes embrumées pas assez de hop. En parlant de tripes, mais moins de brume, et encore moins de hop, l’œuvre entière de Mark Edwards est à redécouvrir. Sous le pseudonyme de My Dad is Dead ce garçon volontiers peu guilleret a publié une dizaine d’albums depuis 1984. L’essentiel est disponible sur son site internet. On pourra trouver l'assortiment foncièrement raide, sinistre et de désagréable facture, reste que Mark Edwards est émouvant , poisseux plus qu’à son tour et que c’est ce qui compte vraiment. J’ai toujours pour ma part aimé les gens raides quoique encore un peu frétillants. Il faut également savoir que le tout implose depuis Cleveland (Ohio) et là allez savoir pourquoi, tout d’un coup, on comprend tout… ou presque… Dans un genre relativement post-punk mais en moins raide, il y a l’album de Confetti, Retrospective (1995), éphémère contretype des Young Marble Giants ; plaisant mais pas plus , la copie en l’occurrence ne valant en aucun cas l’original. Pour ce qui est de la somme de fac-similés mimant, ici ou là, les jeunes géants de marbres, il est fortement conseillé de se procurer derechef « la chute de Saigon », merveille sculptée par Pascal Comelade, un bon faussaire, lui, Fall Of Saigon (1983) . Tiens en parlant des jeunes géants de marbres, il y a cet album : Lady June's par Linguistic Leprosy (1974), on y retrouve le déplumé en chef Eno, le moelleux essentiel de Kevin Ayers et une poétesse anthracite de passage. Cette léproserie linguistique là vaut surtout pour l’instrumental en cinquième position, genre de sorte de Stuart Moxham de 1974 ; le reste est plus dispensable, navigue parfois dans le poetoc et l’atmosphérique douteux. Du coté de la lumière, puisqu’il faut savoir la chiner quand elle n’est pas là, il y a l’album de Brent Cash, How Will I Know If I'm Awake (2008) une courte merveille pop avec un soleil léger sur la nuque, une subtile armée d’embruns délectables sur la frimousse, des arrangements non patibulaires lorgnant chez Brian Wilson tout en regardant Curt Boetcher dans le fond du cœur, l’ensemble sans strabisme ce qui est un tour de force remarquable. Si le Brent Cash est une délicieuse reconstitution historique sans les costumes avariés SFP, ni Marcel Bluwal au pied-de-biche, la pâtisserie de Mark Eric, A Midsummer's Day Dream (1969), elle, est bien d’époque, moins retorse et sucrée, mais avec la perspective historique. 1969 étant là, et sachant qu’il ne faut jamais oublier la très grande importance de la chimie, je vous conseille l’écoute attentive de Rex Holman et de son Here in the Land of Victory (1970) ; des trémolos simili Buckley père par un simili acteur réchappé de Star Trek et autres Cimarron, une curiosité pour le moins. Un peu plus près de nous Il est bon de savoir qu’avant de se métamorphoser en immenses penseurs les Orchestral Manoeuvres in the Dark existèrent comme bon petit groupe de pop synthétique enrobé par Pete Saville. Avec tout le grelottement inséparable de la chose enrobée, l'autotitré Orchestral Manoeuvres In The Dark (1980) se laisse encore écouter. Le disque des Crawling Chaos, The Gas Chair (1982) lui est un disque Factory Benelux, c'est vous dire s'il est pointu tout en étant rond à l'instar du fameux atomium de Bruxelles. Ajoutons que le tout n’est guère primesautier et pourrait être la douteuse bande son d’une équivoque trépanation de marmottes. Pour rester eighties, figurez-vous que les Strawberry Switchblade ne passent plus la rampe, les esprits chagrins assurerons qu’elles ne l’ont jamais vraiment passé cette rampe là, toujours est-il que l’album du même non (je déteste éponyme) Strawberry Switchblade (1985) garde un petit charme chiffonné. Je ne vous décramponnerais pas sans vous avouer que je n’échangerais pour rien au monde une légère boite d'allumettes de pop britannique à flûtiaux (faite avec des allumettes) Alfie, A Word in Your Ear (1992) contre un container complet de Brit Pop,blurasis, psoriasis...(La phrase est compliquée et bancale mais se tient, relisez la trois fois, dans les trois sens).
Pour finir en vitesse, il faut savoir qu'il y a une chanson poignante sur le nouveau Jonathan Richman, cette chanson c'est As My Mother Lay Lying, une confession plus que pudique, écoutez la . Il faut également savoir que l’album de Ratatat arrivera bientôt et le soleil avec lui. Ratatat et la force de Coriolis, toute une histoire... Sinon le disque à écouter, principalement là tout de suite, c’est celui de The Aluminium Group, Little Happyness (2008) un beau disque de dandy décalé, un beau disque avec un crooner trop humide pour la saison.

lundi 2 juin 2008

Chambre Verte - (Bo Diddley)



Les guitares rondes, triangulaires et singulièrement rectangulaires sont en deuil. Toutes les guitares sont en deuil. L’attaque rythmique hypnotique est en deuil, le fuzz qui, depuis l’Afrique, nous sautait dessus est en deuil. Le bottleneck ne trempe plus dans le blues et il n’y a plus que moi pour gesticuler lentement sur un jungle beat amoindri. Ne parlons pas du fameux trémolo, n’en parlons surtout pas ; nous n’en aurons pas le temps, il passe si vite le temps !. ! Néanmoins, les rires courts des guitares estivales caressent mon ventre d'un entrain reposant, merci pour tout Bo..